Une des nombreuses conséquences du confinement et des restrictions suite à l’épidémie du Covid-19 est celle du report ou de l’annulation des mariages pour cette saison 2020.

En tant que Wedding-planner, je suis confrontée à une situation inédite avec le covid-19.

Mon métier est celui d’accompagner, de conseiller mes mariés pour qu’ils profitent de leur mariage. Jamais je n’avais imaginé être confrontée à une pandémie. Et puis j’ai relu les conditions générales de vente de mes contrats et oh ! surprise le cas de force majeure est prévu.

Je pourrais alors attendre que la situation se passe, retranchée sur mon canapé devant netflix, mais j’ai choisi d’offrir à mes mariés de reporter leur mariage à la date qu’ils souhaitaient sans changer les conditions de notre accord. Et puis, on ne change pas sa nature, je suis humaine, empathique alors j’ai décidé de conseiller tous les mariés et prestataires qui en auraient besoin pour les aider dans ces reports, dans cette période de doute.

Si je sais vous rassurer, vous trouver les bonnes adresses, créer l’émerveillement, je ne suis pas juriste. Or aujourd’hui beaucoup de mariés me contactent avec des questions juridiques sur leurs contrats ou sur ce qu’ils peuvent faire en pareille situation.

Les conseils d’un avocat concernant le report ou l’annulation d’un mariage

J’ai, pour vous, contacté Maître Coraline Grimaud, elle exerce au barreau de Bordeaux. Nous avons deux points communs toutes les deux, nous aimons les relations de confiance et n’aimons pas perdre. Elle me semblait très bien placée pour vous conseiller.

Maître Grimaud, vous travaillez comme avocate associée au sein du cabinet bordelais CGavocats, la particularité de votre cabinet étant de rassembler des avocats de domaines complémentaires pour couvrir les domaines de droits des affaires, droit immobilier, droit social, droit public, droit des personnes… Vous vous faites la voie de votre cabinet car vous avez réfléchi collectivement aux conséquences du Covid-19 sur l’univers du mariage.

Je vous remercie de nous accorder cette interview pour nous aider ; prestataires & mariés, à voir plus clair dans cette situation.


Maître Coraline Grimaud

Mademoiselle Loyal :  Est-ce que pour commencer, vous pouvez nous éclairer sur le cas de force majeure ?

Maître Grimaud : D’après le code civil, la force majeure est caractérisée par un événement qui échappe au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.

Mais surtout, au-delà de la définition, ce sont les conséquences attachées à la force majeure qui nous intéressent : « Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Mademoiselle Loyal :  Est-ce que le Covid-19 peut être considéré comme un cas de force majeure ?

Par le passé, les épidémies telles que le SRAS, la grippe H1N1, la Dengue et le Chinkungunya n’ont pas été reconnues comme des cas de force majeure par les tribunaux. Cependant, la crise du Covid-19 s’est accompagnée de mesures gouvernementales sans précédent compte tenu du caractère exceptionnellement contagieux de ce virus.

Pour ces raisons, nous estimons que le Covid-19 pourra être qualifié de cas de force majeure pour les contrats conclus avant l’apparition du virus au mois de décembre 2019.

Si nous pouvons raisonnablement l’envisager, seule une décision de justice pourra l’affirmer.

Si les futurs mariés peuvent soulever la force majeure pour solliciter le remboursement des acomptes versés, cela suppose toutefois que les contrats qu’ils ont signés n’aient pas expressément exclu ce type d’événement dans leur clause relative aux cas de force majeure. C’est évidemment du cas par cas.Au-delà de la force majeure, d’autres mécanismes juridiques peuvent être soulevés pour obtenir, en justice, la restitution des acomptes versés. 

Mademoiselle Loyal : Depuis quelques jours, les couples sont nombreux à se poser les mêmes questions, à avoir les mêmes doutes. J’aimerais vous soumettre les questions qui me sont le plus fréquemment posées en ce moment :

Cas 1 : Si dans le contrat avec mon prestataire, le cas de force majeur n’est pas précisé, peut-il s’appliquer pour autant ?

Si le contrat ne précise rien sur la force majeure ou s’il n’exclut pas les risques sanitaires ou encore les décisions prises par les autorités de la définition qu’il retient de la force majeure, c’est le code civil qui s’applique.

En conséquence, pour ces contrats, le Covid-19 pourra être qualifié de cas de force majeure sous les réserves précédemment énoncées.

En revanche, la force majeure ne pourra être invoquée pour les contrats excluant expressément de sa définition les risques sanitaires ou encore les décisions prises par les autorités.

Cas 2 : Il a été annoncé que les hôtels et restaurants étaient fermés jusqu’à nouvel ordre, les salles de réception entrent-elles dans cette catégorie ?

Le décret du 23 mars 2020 interdit de manière générale à tous les établissements recevant du public d’ouvrir et ce jusqu’au 11 mai 2020. Seuls les établissements recevant du public qui exercent une activité autorisée peuvent ouvrir (vente de produits et services de première nécessité, établissements de santé et établissements bancaires).

A l’instar des hôtels et des restaurants, les salles de réunions et les salles à usage multiple sont expressément visées par l’interdiction d’ouverture et ce jusqu’à nouvel ordre. En effet, ces établissements recevant du public n’exercent pas une activité dite de “première nécessité”.

On peut raisonnablement s’attendre à ce que les salles de réception, tout comme les hôtels et les restaurants, restent soumis à une interdiction d’ouverture tant que les rassemblements et les activités de loisirs demeurent interdits.

Cas 3 : Lorsque le mariage est prévu après le 11 mai, comment le reporter et qu’advient-il des acomptes versés aux prestataires ?

La question que l’on doit se poser est la suivante : jusqu’à quelle date la force majeure produira ses effets ? Un mariage prévu le 12 mai doit-il être reporté en raison de la force majeure ou doit-on considérer qu’il n’y a pas d’obstacle à sa réalisation ?

Nous attendons la parution du décret qui doit faire suite au discours du Président de la République le 13 avril dernier, nous devrions avoir des éléments de réponse.

Tant que les rassemblements sont interdits, ou limités, nous pouvons envisager de rester dans le cadre de la force majeure. Une décision de refus de la mairie de célébrer un mariage peut être un argument à faire valoir en ce sens.

Il nous paraît raisonnable de solliciter amiablement le report du mariage en invoquant les arguments ci-dessus.

Si rien n’est prévu par le contrat et que les prestataires refusent tout report, vous pouvez saisir le juge afin de solliciter la restitution des acomptes versés en invoquant la résolution du contrat pour cas de force majeure ou disparition d’une condition essentielle du contrat en cours d’exécution.

Cas 4 : Les gros rassemblements sont interdits jusqu’à mi-juillet, cela concerne uniquement les rassemblements de type festivals et foires ou les mariages sont-ils concernés ? Comment savoir si on a le droit de célébrer son mariage ?

Le décret du 23 mars 2020 interdit les rassemblements de plus de 100 personnes ainsi que les cérémonies religieuses jusqu’au 11 mai 2020 pour l’instant. Les mariages sont évidemment concernés par cette mesure.

Concernant l’interdiction des rassemblements publics jusqu’à la mi-juillet annoncé par Emmanuel Macron lundi 13 avril dernier, les décrets précisant cette mesure n’ont toujours pas été publiés à ce jour.

Il convient d’attendre la parution de ces décrets puis de les étudier pour déterminer si des mariages pourront être célébrés en début d’été prochain.

Cas 5 : Mon mariage est prévu pendant le confinement, le prestataire n’est pas disponible à la nouvelle date que nous aimerions fixer, suis-je en droit de lui demander le remboursement intégral des sommes versées (acomptes) ou devons-nous lui proposer plusieurs dates ?

Si le prestataire refuse la nouvelle date proposée, vous n’êtes pas dans l’obligation de lui proposer plusieurs dates. Vous pouvez tenter de négocier avec lui, mais chacune des parties reste libre de refuser les nouvelles dates proposées par l’autre.

De la même manière, vous pouvez entrer en discussion avec votre prestataire pour tenter d’obtenir le remboursement des acomptes versées, mais celui-ci risque de refuser la restitution si rien n’est prévu au contrat.

Si vous ne parvenez à aucun accord et que le mariage est annulé, faute de pouvoir être célébré, seul le recours au juge vous permettra de solliciter les restitutions des acomptes versés.

Cas 6 : La salle veut m’obliger à conserver la date prévue en me demandant de réduire le nombre d’invités prévus pour entrer dans les éventuelles consignes de restriction de rassemblement, et de respecter les distances recommandées. Ai-je le droit de refuser et de demander le report plutôt du mariage ?

Tout dépend de la date initiale de la cérémonie : avant ou après le 11 mai.

Dans la première hypothèse, comme nous l’avons précisé ci-dessus, l’interdiction de se rassembler et de célébrer une cérémonie ne permet pas au loueur de vous imposer de la célébrer quoi qu’il arrive et en limitant le nombre d’invités.

Dans la seconde hypothèse en revanche, la réponse est plus délicate :

Comme indiqué précédemment, le décret du 23 mars 2020 interdit les rassemblements de plus de 100 personnes ainsi que les cérémonies religieuses jusqu’au 11 mai 2020. Il impose par ailleurs un confinement strict et il limite les sorties des personnes aux seuls déplacements nécessaires. Le décret à venir nous apportera certainement des précisions importantes sur ce point.

A notre sens, le déplacement des invités (hors témoins et parents) pour un mariage n’entre pas dans les déplacements pour motif familial impérieux.

Par conséquent, le confinement strict vous impose par lui-même de réduire le nombre des invités au strict nécessaire, à savoir les parents et les témoins. C’est d’ailleurs les mesures mises en place par la plupart des mairies pendant le confinement.

Dans les négociations, la salle peut selon nous vous demander de conserver la date prévue et vous demander de réduire le nombre d’invités prévus en dessous de 100 personnes pour que l’évènement puisse régulièrement se tenir. En effet, on pourrait considérer que vous avez la maîtrise sur le nombre des invités et avez donc le pouvoir de décider si votre mariage aura lieu ou non. Cependant, on peut également imaginer que les invités ne se déplaceront pas et ne comprendraient d’ailleurs pas qu’un tel évènement soit maintenu. Si tous vos invités déclinent l’invitation en raison du Covid 19, l’objet du contrat disparaît. Ce n’est pas la force majeure qui vous permettra d’annuler votre mariage mais vous aurez néanmoins de solides arguments juridiques à faire valoir devant un tribunal.

Cas 7 : Le prestataire accepte le report du contrat mais me demande de payer un supplément en prétextant du travail supplémentaire ou une augmentation de tarif depuis la signature du contrat. Est-il dans son droit ?

Il s’agit une nouvelle fois d’une question qui doit être négociée. Le prestataire est libre de solliciter un supplément comme vous êtes libre de le refuser.

Si vous refusez l’augmentation, vous refusez de régulariser un avenant avec le prestataire. Si le mariage était prévu pendant le confinement, vous pourrez saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat et la restitution des acomptes versés. En revanche, si le mariage est prévu après la période de confinement et dans une période où les rassemblements sont autorisés (nous restons en attente du décret sur ce point), ce seront les conditions contractuelles d’annulation qui devront s’appliquer.

Nous vous précisons que l’année prochaine, de nombreux samedis tombent un jour férié. Or, cela entraînera de façon quasi automatique une facturation supplémentaire car le coût des salariés embauchés sera nécessairement plus élevé.

Cas 8 : Mon mariage était prévu en haute saison 2020, mon prestataire me propose des dates de report uniquement en hiver ou en semaine et me demande un supplément pour la haute-saison 2021. Est-il dans son droit ?

A notre sens, le prestataire est libre de vous proposer des dates de report uniquement en hiver ou en semaine ou encore de vous demander un supplément pour la haute-saison. De votre côté, vous êtes libre de les refuser.

Si vous refusez un report en hiver ou un supplément pour la haute-saison 2021, vous refusez de régulariser un avenant avec le prestataire. De la même manière que précédemment, si le mariage était prévu pendant le confinement, vous pourrez saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat et la restitution des acomptes versés. En revanche, si le mariage est prévu après la période de confinement, ce sera les conditions contractuelles d’annulation qui s’appliqueront.

Comment les mariés ou les prestataires qui auraient besoin de vos conseils, peuvent-ils procéder pour se faire accompagner dans leurs démarches ?

Notre cabinet est fermé depuis le 16 mars dernier en raison du dispositif sanitaire actuellement en vigueur. Cela étant, les avocats du cabinet travaillent à leur domicile où ils sont joignables par mail et par téléphone.

Si vous avez besoin d’un accompagnement dans vos démarches pour reporter votre mariage, adressez-nous un mail à l’adresse contact@cgavocats.fr ou laissez-nous un message sur le répondeur du cabinet avec vos coordonnées, nous vous recontacterons sans tarder.

Un grand merci d’avoir pris le temps de répondre aux interrogations légitimes de nos mariés. Nous retenons qu’il ne faut pas se précipiter, qu’il faut attendre les publications des décrets pour bien comprendre la situation et surtout surtout qu’il faut que mariés et prestataires se mettent à la place les uns, des autres, dialoguent pour trouver ensemble les meilleures solutions. Essayons d’aborder cela dans un climat serein car nous avons tous intérêts que les futurs mariages se déroulent dans les meilleures conditions.